La loi Macron réforme les grilles des tarifs des actes notariés dans l’immobilier.
Le mot du notaire – La Déontologie
Les connaissez-vous ?
Comme dans toute profession, certains membres sont plus détachés que d’autres de ces règles qu’ils prêtent serment de respecter tant devant leurs confrères que devant le Tribunal de Grande Instance. Je dois reconnaître toutefois que durant mon exercice professionnel j’ai presque toujours eu des rapports de confiance, d’entraide et de grande courtoisie avec les notaires et collaborateurs que j’ai rencontrés. C’est cela et l’expérience humaine de chaque rencontre avec les clients qui m’ont réellement fait aimer le métier.
Confraternité.
Un jour, un ami avocat pour lequel je recevais un acte m’a pris à part à la fin du rendez-vous afin de me faire part de l’admiration qu’il avait quant au travail partagé ainsi que la confiance et la courtoisie entre les notaires des deux parties. Effectivement la profession de notaire n’est pas celle d’avocat. Il arrive régulièrement de vous trouver face à un confrère ou un jeune collaborateur qui a pu faire une erreur, ou bien à qui certaines règles pointues relatives à un problème ou encore certaines nouveautés jurisprudentielles ont pu échapper. Bien entendu, vous serez un jour dans cette position. Et bien, il n’est pas question alors d’en profiter pour avantager votre client comme il n’est pas supportable d’en profiter pour donner une leçon devant les clients. Cela se règle avant le rendez-vous ou en dehors de la salle de rendez-vous et toujours avec l’esprit d’entraide.
Intérêt du client.
La relation avec un client repose avant tout sur la confiance. Celui-ci est en général néophyte. Si la confiance n’est pas là il est préférable de travailler avec un autre professionnel. Il arrive ainsi que plusieurs heures de rendez-vous et de consultations puissent conduire à n’établir aucun acte et ce comme intérêt bien compris du client. Les heures d’études de la problématique étant le plus souvent gratuites, il peut être tentant de proposer l’établissement d’un acte ou plusieurs mais c’est contrevenir à son serment et à l’image de la profession. La réforme Macron pose malheureusement la question de la gratuité, de fait des consultations, mais attendons les décrets d’application avant de se prononcer définitivement.
Transparence.
Celle qui vient d’être décrite doit se retrouver plus généralement dans les émoluments et les honoraires. Les premiers relèvent des actes du monopole (immobilier, donations, contrat de mariage) et sont donc fixés par l’Etat. Ils s’appliquent sur tout le territoire et quel que soit le nombre de notaires intervenants. Ils ne sont pas négociables, sauf à ce jour, au-dessus de 80 000 euros et avec accord de la Chambre pour descendre en-dessous de 80 000 euros. Le notaire est toujours libre de faire la remise totale de ses émoluments. Les seconds relèvent du secteur concurrentiel (commercial, consultations, sociétés) et doivent faire l’objet d’une entente préalable avec le client par écrit. La loi Macron devrait venir perturber cet équilibre. La question est surtout de savoir si elle réussira à la fois à être dans l’intérêt des clients les plus modestes et préserver l’équilibre économique des offices notariaux.
Entre l’Etat et le client.
Professionnel libéral, chef d’entreprise, le notaire établit ses actes au nom de l’Etat, au regard de la confiance que ce dernier lui a accordée. Voici tout le charme, la subtilité et toute la difficulté de la profession. Important collecteur d’impôts entre les droits d’enregistrement et les plus-values immobilières, le notaire se doit de respecter scrupuleusement toutes les règles de droit y compris de nature fiscales. Mais il doit aussi donner le meilleur conseil qui, s’il n’est pas uniquement fiscal et loin de là, est quasiment toujours présent dans les esprits, voire prééminent. Ceci est d’autant plus complexe à un moment où la frontière entre optimisation fiscale et abus de droit est de plus en plus floue. Aussi il est normal pour un notaire de refuser certaines évaluations de biens dans les successions comme il se doit de vérifier l’équilibre économique d’une opération. Dans certains cas le notaire pourra être amené à faire signer une reconnaissance de conseils donnés, dans d’autres il devra refuser de recevoir l’acte.
Impartialité.
Cette impartialité qui s’est dessinée tout au long des développements qui précèdent conduit à l’interdiction pour le notaire de recevoir des actes pour ses parents jusqu’au 4ème degré et leurs conjoints inclus, y compris pour ceux de ses associés. Ceci revient à ne pouvoir recevoir l’acquisition de son oncle mais à pouvoir le faire pour sa cousine. Cela s’applique aussi pour une société dans laquelle le parent serait associé majoritaire ou représentant de la société à la signature de l’acte. En revanche l’acte peut être reçu par l’autre confrère avec votre participation. Il me semble que ces règles devraient être revues car on peut être très proche d’une cousine ou d’un très bon ami.
Quel avenir ?
La déontologie du notariat a été jusqu’à aujourd’hui une de ses grandes forces, ciment de son unité. L’augmentation du nombre de notaires, même si elle me semble souhaitable, va automatiquement conduire à son affaiblissement. Mais de façon fondamentale, c’est la question de la société dans laquelle on veut vivre qui se pose. Le lobby anglo-saxon est intense et efficace à Bruxelles. Après les tentatives grossières de la commission Attali et du rapport Darrois, la loi Macron pourrait conduire petit à petit à la perte de l’âme du notariat et le système anglo-saxon ne sera pas loin d’avoir gagné la partie, et alors ce sera l’hégémonie du sacro-saint « doing business ».
Conclusion
Ma conviction est qu’il faut à tout prix garder ce modèle qui par ailleurs est partagé ou bien copié dans de nombreuses parties du monde. Nous sommes encore ce pays d’équilibre entre la sécurité et la liberté et nous savons combien un équilibre est fragile. Seulement il fait partie de notre ADN ! J’ai moi-même renoncé à mon association pour des questions de déontologie car quand ce pilier a été renversé, seule la vérité et la confiance pourraient de nouveau le cimenter.
Me Benoît DEPAQUIT Diplômé du notariat et de droit notarial international Notaire à Paris Tél. : 06 11 40 53 69 Pour plus d’informations : www.notaries-of-europe.eu |